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Pierre Alferi

Aux éditions Argol

Intime
Poésie
Les Allures naturelles, P.O.L, 1991
Le Chemin familier du poisson combatif, P.O.L, 1992
Kub Or (photographies de Suzanne Doppelt), P.O.L, 1994
Sentimentale journée, P.O.L, 1997
La Voie des airs, P.O.L, 2004
Inter de Pascal Quignard (ouvrage collectif), Argol, 2011

Romans
Fmn, P.O.L, 1994
Le Cinéma des familles, P.O.L, 1999
Les Jumelles, P.O.L, 2009
Après vous, P.O.L, 2010
Kiwi, P.O.L, 2012

Essais
Guillaume d’Ockham le singulier, Minuit, coll. « Philosophie », 1989
Chercher une phrase, Christian Bourgois, coll. « Détroits », 1991
Des enfants et des monstres, P.O.L, 2004

Films
Cinépoèmes et films parlants, Les laboratoires d’Aubervilliers, 2006.
Ça commence à Séoul (avec Jacques Julien), DVD vidéo, Dernière Bande/P.O.L, 2007


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Pierre Alferi est né en 1963 à Paris. Romancier, poète, essayiste, il est lauteur dune quinzaine de livres, publiés principalement chez P.O.L. Il a aussi dirigé des revues, traduit des poètes contemporains et plusieurs livres de la Bible. Son écriture sollicite parfois la musique, les arts plastiques, le cinéma. Il enseigne aux Arts Déco et aux Beaux-Arts de Paris.

 



Le Monde  
Mélange des genres POÉSIE
Transport amoureux
Article paru dans l'édition du 29.11.13
 
Dans « Intime », Pierre Alferi, « cinépoète », voyage, accompagné de souvenirs, d'images et de musique
hère intime/ enfin proche/ recevras-tu à temps/ ce mini-message ?/ je tarde à vider la clepsydre/ à défaire mes souvenirs » Intime : une correspondance amoureuse, un journal de voyage, ponctué de dessins à l'encre ; un texte accompagné d'un film de 16 minutes, avec une musique de Rodolphe Burger - une délicate création visuelle, textuelle et sonore.

Parmi les poètes de sa génération, Pierre Alferi (né en 1963) s'impose par la diversité de ses talents. Philosophe (Guillaume d'Ockham le singulier, Minuit, 1989), romancier, (Le Cinéma des familles, POL, 1999), chroniqueur de cinéma (Des enfants et des monstres, POL, 2004), parolier du groupe musical Kat Onoma (sous le nom de Thomas Lago), cofondateur de la Revue de littérature générale avec Olivier Cadiot, Pierre Alferi propose son regard, au croisement de différentes pratiques.

Poète, il a publié plusieurs recueils : Les Allures naturelles (POL, 1991), des variations sur les mouvements du corps ; Le Chemin familier du poisson combatif (POL, 1992), une narquoise épopée du quotidien ; Kub Or (POL, 1994), des concentrés d'air du temps, accompagnés de photos de Suzanne Doppelt ; Sentimentale journée (POL, 1997), l'allègre parcours en zigzag d'un Homo viator féru de puzzles, de jazz et de détours. On retrouvait dans le phrasé subtil de La Voie des airs (POL, 2004), sous l'apparente nonchalance d'une improvisation, une acuité extrême : « transcrire/ à l'oeil, à l'oreille/ du bout de la langue/ un précis du flou ».

 

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    Dans le lieu impossible que trace - selon plusieurs modalités expressives (poème, dessin, cinépoème, musique) - la dernière œuvre de Pierre Alferi, l’intime semble échapper autant au lecteur qu’au(x) destinataire(s) anonyme(s) du texte. De l’intime, nous ne retenons que les signes émis dans et par le dehors ; un dehors urbain, un trajet, une er-rance.

     Les lieux à partir desquels l’intime se dit sont souvent des lieux de transit, impliquant un déplacement dans l’espace, des lieux publics où, précisément, l’intime se retire pour laisser se déployer le dehors. Mais d’emblée l’intime s’adresse à l’autre, à la « chère sédentaire » que des kilomètres séparent du narrateur. Comment saisir l’intime sinon en prenant toute la mesure d’une relation où se joue la dialectique de l’intérieur et de l’extérieur, de l’espace « propre » et des lieux publics ? Le cinépoème « Intime » montre des séquences de trajet en train : le paysage s’abstrait  et se fond dans une ambiance sonore où l’étrangeté rejoint le mode de l’errance : « dans une langue étrangère / délesté de mon ombre / je regarde vers l’est ». Abandon, rendez-vous reportés, destination inconnue ; l’intime est loin d’être « cette moite intimité gastrique » (pour reprendre la terrible expression de Sartre), toute confinée dans un corps égocentré, l’intime est loin et proche ou plutôt il est ce mouvement du lointain et du proche signifiant l’indistinction des lieux et des espaces, l’abolissement des limites du privé et du public. Mouvement par lequel une forme familière se détache et impose sa présence : « figure-toi qu’il y a / même ici des visages familiers / il faut les dégager du sable / les éclairer quand le vernis / a bruni ».

     La composition plurielle d’Intime a une cohérence qui lui est propre. Les procédés expressifs se répondent en répétant parfois les mêmes motifs : des fragments de poèmes écrits qu’on retrouve dans le cinépoème. Intime semble ainsi donner accès, par des voies multiples, au nœud relationnel mis en péril par la séparation, laquelle pourtant est la condition même de l’errance qui dessine les contours de ce lieu impossible qu’est l’intime.  Si l’espace – l’espacement – et l’éloignement des choses fait surgir cet intime, le temps, par conséquent, en est une seconde modalité. Temps du décalage horaire qui sépare le narrateur du destinataire, temps du transport, de la durée et donc de l’errance (comme si le destinataire du poème se substituait réellement à la possible destination du voyage, on en revient à la question répétée : « mais toi ? »). Mais surtout le temps du discours et, plus précisément, de la correspondance amoureuse : « chère intime / enfin proche / recevras-tu à temps / ce mini-message ? ». L’intime semble alors s’inscrire dans cet incessant décalage entre le familier (le destinataire) et l’étrangeté apparente qu’évoquent les inscriptions urbaines du cinépoème « er » ; elles ne s’adressent à personne en particulier et se donnent, dans le grand espace de la ville, à n’importe quel anonyme, comme fragments de poèmes-limites sans auteur et sans lecteur. L’intime apparaît au final comme cet « autre » qui permet de tenir dans le « chaos délié » :

  « Seul je perds l’équilibre / je n’ai rien de plus intime / que vous ».
Bérénice Biely. Sitaudis.

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Concret et onirique

 

Dans Intime, un de ses « cinépoèmes », concret et onirique, silhouettes et paysages traversés sont revus à la lumière du souvenir - entre texte et écran, en lien étroit avec la musique : « gares de nécessité/ gares de vertu/ le transit se pratique/ en exercice spirituel/ transport amoureux immobile/ face à l'affluence de silhouettes ». Créés lors du Festival d'Avignon 2010, les Cinépoèmes live ont été repris l'été dernier au Lieu unique, à Nantes, avec, sur scène, le musicien et l'écrivain.

Monique Petillon















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