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Jacques Roubaud
Roubaud

Aux éditions Argol

Ciel et terre et ciel et terre, et ciel
Roubaud :
Face (s) (collectif)
Roubaud :  Rencontre avec Jean-François Puff
 


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Né en 1932 à Caluire, Jacques Roubaud est mathématicien de profession et membre de l'Oulipo depuis 1966. Son œuvre poétique, qui débute véritablement en 1967 avec la publication de Є aux éditions Gallimard, est considérable : plus de dix volumes séparent ce premier livre du dernier, Churchill 40, publié en 2004, toujours chez Gallimard. Roubaud est également  prosateur, sous la forme du roman (série des Hortense) et sous celle d'un immense traité de mémoire, Le grand incendie de Londres. Poéticien, il a consacré des études qui ont fait date à l’histoire du vers français ou à la poésie des troubadours. Il est également traducteur, de l’anglais et du provençal.

 

Poésie

 

Poésies juvéniles (janvier 1942-novembre 1944), Montpellier, éd. C.G.C., 1944.

Voyage du soir, Seghers, collection « P.S. », 1952.

Î, Paris, Gallimard, 1967 (Paris, « Poésie »/Gallimard, 1988).

Mono no aware, Paris, Gallimard, 1970.

Renga, Paris, Gallimard, 1971.

Trente et un au cube, Paris, Gallimard, 1973.

Mezura, Paris, Éditions d’Atelier, 1975.

Autobiographie, chapitre dix, Paris, Gallimard, 1977.

Dors, précédé de Dire la poésie, Paris, Gallimard, 1981.

Les Animaux de tout le monde, Paris, Ramsay, 1983.

Quelque chose noir, Paris, Gallimard, 1986.

Partition rouge (en collaboration avec Florence Delay), Paris, Seuil, 1988.

Les Animaux de personne, Paris, Seghers, 1991.

La Pluralité des mondes de Lewis, Paris, Gallimard, 1991.

Monsieur Goodman rêve de chats, Gallimard, 1994.

Mille e tre, deux. 200 flèches (avec Micaëla Henich), Courbevoie, Théâtre Typographique, 1995.

La Fenêtre veuve (prose orale), Théâtre Typographique, 1996.

La forme d’une ville change plus vite, hélas, que le cœur des humains, Paris, Gallimard, 1999.

Kyrielle, Caen, Nous, 2003.

Churchill 40, Paris, Gallimard, 2004.

 

 

Prose narrative

 

La Belle Hortense, Paris, Ramsay, 1985.

L’Enlèvement d’Hortense, Paris, Ramsay, 1987.

Le Grand Incendie de Londres, Paris, Seuil, 1989.

L’Hexaméron (en collaboration), Paris, Seuil, 1990.

La Princesse Hoppy ou le Conte de Labrador, Paris, Hatier, 1990.

L’Exil d’Hortense, Paris, Seghers, 1990.

La Boucle, Paris, Seuil, 1993.

Le Voyage d’hier, Paris, Seuil, 1993.

La Dernière Balle perdue, Paris, Fayard, 1997.

Le Chevalier silence, Paris, Gallimard, 1997.

Mathématique :, Paris, Seuil, 1997.

L’Abominable Tisonnier de John McTaggart Ellis McTaggart et autre vies plus ou moins brèves, Paris, Seuil, 1997.

Poésie :, Paris, Seuil, 2000.

La Bibliothèque de Warburg, Paris, Seuil, 2002.

Tokyo infra-ordinaire, Paris, Inventaire-invention, 2003.

Ma vie avec le docteur Lacan, Bordeaux, Éditions de l’Attente, 2004.

Nous, les moins-que-rien, fils aînés de personne, 12 (+1) autobiographies, Paris, Fayard, 2006.

Impératif catégorique, Paris, Seuil, 2008.

Parc sauvage, Paris, Seuil, 2008.

La dissolution, récit, Nous Eds, 2008

Eros mélancolique (co-écrit avec Anne F. Garréta), Grasset, Paris, 2009

 

Autres

 

Petit traité invitant à découvrir l’art subtil du go (avec P. Lusson et G. Perec), Paris, Bourgois, 1969.

Graal Fiction, Paris, Gallimard, 1978.

La Vieillesse d’Alexandre. Essai sur quelques états récents du vers français, Paris, Maspéro, 1978.

La Fleur inverse. Essai sur l’art formel des troubadours, Paris, Ramsay, 1986.

Échanges de la lumière, Paris, Éditions Métailié, 1990.

Impressions de France, Paris, Hatier, 1991.

L’Invention du fils de Leoprepes. Poésie et mémoire, Sulxure, Circé, 1993.

Poésie, etcetera : ménage, Paris, Stock, 1995.

Ciel et terre et ciel et terre, et ciel. John Constable, Paris, Flohic, 1997.

Sous le soleil, Vanité des vanités, Paris, Bayard, 2004.

Roubaud : Rencontre avec Jean-François Puff, Paris, Argol, 2008.

http://asautsetagambades.hautetfort.com/search/argol


Ciel et terre et ciel et terre et ciel - Jacques Roubaud - Editions Argol
C’est un enfant qui court dans la garrigue, « son territoire personnel, la tranquillité sans menaces, la solitude, son bien.»
Un enfant rêveur qui se cache parce qu’on est en 1943 et qu’on devine que l’enfant n’est pas d’ici. Il aime regarder le ciel, les nuages qui le font voyager « Il pouvait reconnaître en eux à volonté, des navires, des barques, des goélettes, des steamers, des yachts, des pirogues, des radeaux, des îles. » il voudrait les conserver intacts dans sa mémoire.
Dans la chambre où il est réfugié avec sa mère, il y a au mur quatre tableaux qui lui permettent de quitter la chambre par l’imagination, de faire accélérer le temps, il leur donne des noms à lui et quand il ferme les yeux il peut les reconstituer « la rivière, la prairie, le moulin, la barque ». C’étaient des images d’Angleterre, un pays qui rimait avec liberté si sa mère et lui y parvenaient.


Quarante ans ont passé et M Goodman regarde un ciel d’Ecosse, il étudie le ciel, c’est un scientifique, il veut comprendre les nuages et un jour il voit un tableau « Clouds study with birds » un tableau de John Constable mais les tableaux du peintre n’évoque rien pour lui, ne lui rappellent rien, jusqu’au jour où « un coin de voile d’oubli opaque qui plus de quarante ans auparavant était tombé devant ses yeux se leva. Il se souvint. »


Lors d’un voyage sur les traces de Constable « Peu à peu, par pans entiers, les images de son passé qui s’étaient refusées à lui obstinément, par vagues successives l’envahirent. Il revit la garrigue et ses nuages,  il revit l’écluse du canal, il revit la maison où il était resté des semaines attendant le départ pour l’Espagne »


Une réconciliation avec le passé par le filtre de la peinture, la force de l’oubli des événements tragiques, c’est ce qu’offre Jacques Roubaud dans un magnifique récit construit comme une énigme.
Il évoque comment les images de l’enfance sont transformées, recomposées par la mémoire, la fascination qu’exercent les nuages, il nous permet de cerner le génie de Constable qui « avait fait d’une quête du temps la forme centrale de sa peinture, et découvert, là était son génie, une solution picturale à son mystère dans le contraste entre ciel et terre, entre une terre peuplée des images fixes du passé, des lieux de l’enfance, et un ciel peuplé des images mobiles du présent perpétué en futur, les nuages »

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12/09/2012

Jacques Roubaud : rencontre avec Jean-François Puff — recension

 

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   Rappelons ce qu’est la collection "les Singuliers" dirigée par Catherine Flohic. Chaque livre reconstitue le parcours d’un écrivain grâce à une série d’entretiens, le jeu des questions et des réponses au cours de la rencontre variant selon les uns et les autres. L’entretien est accompagné d’un choix de textes, anthologie qui constitue une introduction à l’œuvre sous ses divers aspects. Des photographies évoquent l’histoire personnelle (photos de famille, d’amis, de lieux) et celle des écrits (couvertures de livres de l’auteur et des écrivains admirés, manuscrits), quelques-unes en pleine page, la plupart sous forme de vignettes en belle page dans une colonne qui reçoit également des extraits d’œuvres lues par l’auteur. Chaque ouvrage se clôt par une bibliographie de l’auteur (livres, textes en périodiques, études le concernant) et une autre de son interlocuteur.

  Voilà décrite la construction de l’ensemble consacré à Jacques Roubaud (1). On sait bien qu’une série d’entretiens ne peut être reprise comme telle et Jean-François Puff a organisé la matière en cinq chapitres : Enfance et Provence, La tradition poétique, Histoire de l’œuvre, Arts, Un ermite amoureux. L’étendue de l’œuvre excluait d’en retenir tous les aspects et la rencontre est concentrée autour de quelques axes. Sont rappelés à grands traits les moments de la formation, depuis les poèmes de l’enfance, imprimés par les proches, aux poèmes engagés écrits dans la mouvance surréaliste jusqu’à epsilon (1965). Ont compté l’influence de Raymond Queneau, y compris pour la fascination numérologique, et la participation à l’Oulipo. Sont rappelés les rapports avec différents groupes et revues (Tel Quel, Action poétique, Change) et la création du Cercle Polivanov (1969) avec Léon Robel voué à l’étude formelle des textes poétiques. Jacques Roubaud, dont les parents avaient terminé leurs études à l’école normale supérieure, avait entrepris une licence d’anglais avant de se tourner vers les mathématiques, qu’il enseigna ; c’est en relation avec l’entrée dans ce domaine qu’il choisit la forme sonnet dans un de ses premiers livresS’inscrire dans la tradition lointaine de la poésie en langue d’oc (langue que ses parents ne pratiquaient pas) a aidé Jacques Roubaud à rompre avec le surréalisme et avec l’avant-garde qui lui a succédé pour qui rien n’existait en dehors de ce qu’elle produisait. Mais les troubadours ont eu un autre rôle : ils lui ont fait comprendre l’importance de la notion de communauté ; comme plus tard les rhétoriqueurs, ils ont travaillé dans le même sens et c’est ce mouvement commun qui enrichit la tradition poétique, créant le sentiment que chacun inséré dans un groupe fait quelque chose d’important. Jacques Roubaud insiste sur la nécessité de lire les troubadours, et tous les poètes du passé, comme s’ils étaient nos contemporains : c’est un moyen efficace de réfléchir sur la notion de temps, sur ce que signifie la poésie « mémoire de la langue » et sur le lyrisme. Reprenons ici son amorce d’analyse de quatre vers de Bernard Marti :

 

ainsi je vais enlaçant

 

les mots et rendant purs les sons

 

comme la langue s’enlace

 

à la langue dans le baiser

qui ouvrent à la réflexion sur deux points majeurs : « d’une part le lien l’amour la poésie, et d’autre part, en ce qui concerne la construction formelle, la question de l’entrelacement, entrebescar, qui est au centre de la première grande prose narrative française, le Lancelot. Voilà ce que je trouve extraordinaire : condenser en deux trois vers des concepts poétiques extrêmement importants. » (2)

   Lecture des troubadours par Pound : Jacques Roubaud est aussi lecteur des poètes anglais et américains, qu’il a traduits, de Lewis Carroll à Rosemary Waldrop (elle-même traductrice notamment de Roubaud et de Jabès). À ses yeux, la nouveauté dans le domaine du vers vient des États-Unis où la dimension orale est demeurée vivante (3) et a abouti à un traitement novateur du vers, et non plus seulement à un vers libre en réaction au vers traditionnel. Sur ce point, toujours peu ou pas analysé aujourd’hui, les remarques de Jacques Roubaud sont à poursuivre quand il affirme que « le vrai vers libre, c’est le vers de Reverdy. Quand Reverdy a envie de rimer, il rime, quand il a envie de faire un alexandrin, il le fait » (4). Avec la réflexion sur le vers, qui a notamment conduit Roubaud à étudier les formes de la poésie japonaise classique, comme le renga, on tient l’un des quatre aspects, indissolublement liés, de son activité : composer des poèmes, traduire, construire des anthologies, réfléchir sur la façon dont les poèmes sont composés.

   On renvoie à cette rencontre pour préciser la relation établie entre poésie et musique, ce qu’est chez Roubaud l’image-mémoire dans la poésie, comment il construit la "théorie des nuages" en œuvre chez le peintre Constable (auquel il a consacré un livre (5), que l’on peut résumer par la formule « donner forme à l’informe » : dans la poésie, « les nuages auxquels il faut donner forme sont des nuages de langue […] et l’ « on peut considérer que la langue comme elle se produit ordinairement et même comme elle se produit dans la poésie en un certain sens est informe ». Mais surtout l’ouvrage devrait inciter à lire ou relire Roubaud, la poésie, les proses narratives, les traductions, les essais.

 

Jacques Roubaud : rencontre avec Jean-François Puff, collection les Singuliers, éditions Argol, 25 €.




1 Après, dans cette collection, des entretiens avec Jude Stéfan, Paul Nizon, Philippe Beck, F.-Y. Jeannet, H. Lucot, Christian Prigent, Raymond Federman.

2 Les troubadours, anthologie bilingue (Seghers, 1971) et La Fleur inverse. Essai sur l’art formel des troubadours (Ramsay, 1986).

3 Il ne s’agit pas de "performances", mais de la tradition de la lecture publique.

4 On lira sur ce sujet les réflexions d’Antoine Émaz dans le n° de la revue Triages consacré à Reverdy (éditions Tarabuste, 2008), qu’il a dirigé.

5 Ciel et terre et ciel et terre, et ciel (Flohic, 1997)
















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